Quelques idées pour les semaines à venir

Proposer en janvier des expositions à voir relève de la gageure. Beaucoup d'événements s’achèvent dans les premières semaines du mois, laissant le curieux amateur de musées libre de redécouvrir les collections permanentes de ses lieux d’errance préférés… et en attendant avec une impatience mesurée l’ouverture de la deuxième partie de l’année muséale en mars.

La nouvelle saison qui arrive s’annonce riche de belles rétrospectives. La première qui, sans aucun doute, attirera beaucoup de monde est « L'atelier en plein air » au musée Jacquemart-André. Consacrée à la peinture impressionniste, elle cherche à souligner le rôle de la Normandie dans le développement de la peinture de plein air à travers les œuvres de Monet, Renoir, Sisley, Pissarro etc… Après les présentations des musées du Luxembourg et de Marmottan, nulle doute que ce nouveau coup de projecteur sur les œuvres impressionnistes apportera une connaissance renouvelée sur l’art de la fin du XIXe siècle et un surcroit de plaisir aux amateurs de paysages de bord de mer.

Loin du genre monographique, le prochain événement du musée du Luxembourg est consacré aux chefs-d’œuvre du Musée Szépmuvészeti de Budapest. Fermé pour rénovation jusqu’en 2018, l’institution hongroise a prêté ses plus belles toiles à différents musées européens. Au Palazzo Reale de Milan d’abord, puis à partir de mars 2016 au Sénat à Paris. De Dürer à Kokoschka, c’est tout l’art européen de la Renaissance au début du XXe siècle qui sera évoqué par une série de plus de quatre-vingts toiles. Plus surprenant, la rétrospective entend aussi faire découvrir quelques trésors de l’art hongrois bien souvent méconnus.

Ajoutons à cela, quelques œuvres de Léonard de Vinci à la Pinacothèque de Paris, la réouverture du musée Unterlinden à Colmar, la présentation de la collection des princes de Liechtenstein à Aix et chacun devrait pouvoir trouver son compte de culture et de visites dans les mois à venir !

Pour profiter des moments de liberté

Les grands établissements parisiens présentent en ces jours plusieurs expositions qui méritent d’être vues. Avant d’entrer dans le vif du sujet, signalons que le musée Picasso vient d’ouvrir ses portes après plusieurs années de fermeture. Sur plus de 5000 m², les chefs-d’œuvre du maître espagnol sont exposés dans des conditions exceptionnelles. Le succès public ne se dément pas depuis la fin octobre, et malgré l’attente, la visite s’impose pour tous les amateurs d’art !

Dans un genre très différent, les Archives nationales offrent aux curieux depuis quelques semaines une présentation remarquable de documents anciens sur la collaboration. Cette période sombre de l’histoire de France que beaucoup ont voulu oublier a été extrêmement importante dans la construction de la France contemporaine. Très pédagogique, les conservateurs, dirigés par Denis Peschanski spécialiste reconnu de la question, ont choisi de montrer par l’image et dans les faits comment s’est traduite l’influence politique de l’Allemagne sur le régime de Vichy. L’exposition pose aussi une des questions les plus importantes que les historiens tentent de démêler depuis des décennies : quel a été le degré d’implication des populations dans le processus collaborationniste ?

Enfin, en guise d’annonce, il faut savoir que les musées ne sont pas les seules institutions à proposer des expositions temporaires. Certaines fondations privées le font aussi, souvent avec un talent équivalent. À partir du 21 mars, la Fondation Custodia , dans le 7e arrondissement de Paris, propose une rétrospective consacrée aux dessins des grands maîtres italiens de la Renaissance : Raphaël, Titien et Michel-Ange. Les œuvres, venues pour la plupart du Städelmuseum de Francfort, permettront d’envisager les progrès dans la représentation anatomique réalisés au XVIe siècle mais aussi de confronter le style tellement différent de ces trois artistes géniaux.

Embarquement pour l’Italie

Ce début d’année 2014 est marqué par une profusion de belles expositions à Paris. Nous en retiendrons ici trois principales. D’abord au Musée Jacquemart-André, c’est toute la grâce légère de l’esprit français des Lumières qui est présentée. Le XVIIIe siècle n’est pas que la période où l’esprit de Voltaire domine l’Europe, c’est aussi le moment où la « douceur de vivre », comme le dira Talleyrand plus tard, se fait la plus sensible. Les peintres mis à l’honneur illustrent le goût des fêtes galantes : Watteau, Boucher, Fragonard. Ils montrent une société insouciante, joyeuse, pleine de vie et disent mieux que quiconque ce qu’a été ce « beau XVIIIe siècle ».

Une des toiles phares de Watteau est L’embarquement pour Cythère, mais à Paris, ce n’est pas vers l’Ile d’Aphrodite que nos pas nous conduisent mais bien vers l’Italie. D’abord vers la Rome antique. Le Grand Palais consacre pour quelques semaines une exposition à l’empereur Auguste à l’occasion du deuxième millénaire de sa mort. Principal dirigeant de l’empire romain de 42 av. J.-C. à sa mort en 14 ap. J.-C, il met en place un régime politique stable et sous son règne prospèrent les arts, le commerce et la paix. Virgile, Ovide sont les témoins de ce moment faste de l’histoire romaine qui nous a laissé tant de chefs-d’œuvre de l’Enéide à l’Art d’aimer en passant par une multitude de statues et de reliefs que les conservateurs ont choisi de montrer au public.

Enfin, dernière escapade de cette virée italo-parisienne, la Naples du XVIIe siècle. Fondée à l’époque archaïque par les Grecs, la cité vit à l’ombre du Vésuve. Au Moyen-âge, puis à l’époque moderne, les Napolitains se sont cherchés des protecteurs contre ce turbulent voisin. En 1631, une éruption du volcan épargne la ville suite à un miracle du saint patron de la ville, l’évêque Janvier de Bénévent. Depuis, tous les 16 décembre ou presque, jour anniversaire de ce miracle, le sang de saint Janvier se liquéfie miraculeusement, attestant que l’attention du saint est toujours là et que la ville est protégée. En remerciement, les Napolitains ont édifié à leur protecteur une superbe chapelle à côté de la cathédrale et l’ont décorée de pièces d’orfèvrerie toutes plus précieuses les unes que les autres. Les bustes reliquaires en argent sont une version nouvelle de la statuaire et cette exposition d’un très grand intérêt souligne aussi la vigueur des arts décoratifs du royaume de Naples du XVIIe au XIXe siècle.

De l’Orient Islamique à Paris en passant par Venise

La Sérénissime s’est transportée jusqu’aux rives de la Seine en cette rentrée 2012. Deux grands établissements de la capitale consacrent leurs expositions à Venise : d’abord le Musée Maillol avec une rétrospective à Canaletto que l’on retrouve aussi en compagnie de Guardi à Jacquemard-André.

L’art de la veduta a été très en vogue au XVIIIe siècle et c’est à Venise que les artistes l’ont portée à son paroxysme. Les organisateurs ont fait appel à toutes les institutions européennes pour constituer des expositions mémorables. Le soutien de la Reine d’Angleterre a aussi été sollicité et obtenu, ce qui permet au public de venir contempler des œuvres qui appartiennent à la Couronne britannique, dont on dit qu’elle compte parmi les plus riches collections du monde pour les tableaux de Canaletto. L’ambiance qui se dégage des toiles de ces peintres permet de nous replonger dans une Venise disparue, celle du carnaval et de la fête perpétuelle. C’est toute la vie quotidienne qui nous est donnée à voir, comme un instantané photographique d’une vie à jamais disparue.

L’autre grand événement de la rentrée est la réouverture tant attendue des salles des Arts de l'Islam au Louvre. Fermé depuis plusieurs années, ce département historique du Louvre pourra de nouveau être visité à partir du 22 septembre 2012. Les grands trésors seront de nouveau visibles comme le grand bassin de saint Louis ou encore le fameux lion de Monzón. L’architecture a été entièrement revue afin de magnifier encore plus les superbes collections du Louvre.

Une pointe d'exotisme dans un parcours très classique

Pour faire suite à l’exposition sur Léonard de Vinci à la cour de Milan que proposait, il y a encore quelques semaines, la National Gallery de Londres, le musée du Louvre s’est décidé d’organiser lui aussi un projet autour du génie toscan. Au lieu d’une rétrospective, attendue et convenue, les conservateurs ont fait le pari audacieux de présenter un travail autour d’une seule œuvre : « La Vierge à l'Enfant avec sainte Anne ». Replacé dans son contexte de création, avec les nombreux croquis qui l’ont préparé, le tableau est vu comme un aboutissement dans la carrière de Léonard et dans l’art occident en général.

A peu de distance du Louvre, place de la Madeleine, c’est l’exotisme qui nous attend. Sur la lancée de « L’or des Incas », la Pinacothèque de Paris offre depuis quelques temps déjà une superbe présentation intitulée « Les masques de jade mayas ». Pour tous les curieux des cultures précolombiennes, la Pinacothèque semble devoir devenir un lieu incontournable. Agissant en partenariat avec de grands organismes culturels et scientifiques sud-américains, les commentaires sont sérieux, instructifs et surtout bien faits pour un public large et néophyte.

Enfin, terminons, par un détour vers l’Italie. Après la splendide exposition d’il y a 2 ans sur le Caravage, le Quirinal se penche aujourd’hui sur un des grands génies de la peinture vénitienne : le Tintoret . Moins connu que son rival Titien, nos amis italiens ont souhaité rendre justice à ce maître de la couleur et de la mise en scène. Comme souvent, les organisateurs ont souhaité rendre la rétrospective accessible au plus grand nombre et ont fait un grand effort autour des enfants : des parcours adaptés sont réalisés pour des groupes de bambini à partir de 7 ans. Une idée que nos directeurs de musée devraient eux aussi suivre afin que les lieux de culture ne soient plus, comme c’est trop souvent le cas, des espaces réservés aux plus grands. Il faut apporter l’art aux plus jeunes ! Voilà un beau programme en cette période électorale !

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